Mercredi 20 mai 2020

Premier jour différent de tous les autres jour, nous sommes partis pour la Normandie. Avec une maison à exactement 98 km à vol d’oiseau, nous ne pouvions qu’en profiter et surtout en faire profiter les filles après 2 mois de confinement entre 4 murs d’un appartement, sans nature, sans jardin, sans air… Confinement qu’elles ont somme toute bien supporté.
Qui aurait dit que nous vivrions un jour un scénario digne de la science fiction… ?
Nous sommes partis pour la maison de campagne, avec notre valises, quelques jeux pour les filles, et malgré tout j’ai pris mon ordinateur car je savais que j’aurais besoin d’avancer sur certains sujets et que ça me serait plus facile de taper au clavier que sur le mobile.
Sur la route, cette impression que les choses étaient “normales”, que c’était un week-end comme les autres. Mais non, ce n’était clairement pas un week-end comme les autres. Déjà nous n’aurions pas posé ce fameux mercredi, vestige de ce qu’on nous demandait de poser avant une certaine date. Et puis nous serions partis, ce week-end de l’Ascension, avec les garçons. Ce qui ne sera plus possible, pour moi, avant longtemps. En soit, si on réfléchit bien, à partir du moment où on repart dans le “Monde”, où on reprend sur site, où les filles retournent à l’école, il n’y a pas de raisons, à part celle de ne pas se réunir à plus de 10 personnes, de ne pas se revoir. Mais pour moi il y a une différence entre se revoir, avec des masques et une distanciation (dans un appartement c’est déjà nettement plus compliqué) et loger au même endroit pendant plusieurs jours. Si on accepte de le faire, c’est qu’on part du principe qu’on prend le même risque de se contaminer les uns les autres, sans savoir (possibilité d’être asymptomatique, possibilité de se contaminer avant de déclencher des symptômes, etc), que si on va au bureau ou à l’école sans ses précautions. Se revoir sans distanciation ni masque, et à côté essayer de se protéger au maximum, comme faire du télétravail, c’est assez hypocrite en soi, je pense… Mais désormais, chacun fera en son âme et conscience.
D’un autre point de vue, totalement personnel et sans rapport avec la crise sanitaire, ma situation relationnelle est “compliquée” depuis déjà quelques temps. Nous fréquentons des “amis” comme nous vieillissants, et avec chacun leur parcours, et leur style de vie bien à eux. Et parfois, de plus en plus souvent, je me retrouve à ne pas être sur la même longueur d’ondes. Les différences font la richesse des relations. Mais les statu quo… ou les évolutions… rendent les relations compliquées et aléatoires.
Peut-être que cette période “forcée” tout comme mon année bien difficile médicalement parlant, l’année dernière, va faire que les choses vont doucement mais sûrement “changer”, se modifier, de manière subtile ou pas, selon les cas, au fil du temps qui s’allonge et s’allonge.
Je me retrouve ce week-end en Normandie, comme dans une espèce de convalescence d’une période de 2 mois d’anesthésie sociale et mentale. J’ai l’impression d’atteindre une sorte de Nirvana interdit pendant tout ce temps et de continuer à ressentir les effets de cette vie confinée, sans bouger, sans espace. D’être dans un cocon de fatigue et de “coton” à la fois. Et ne pas avoir quelques gamins en plus à gérer tout un week-end, et bien, c’est triste à dire mais ça me fait du bien. Alors certes, c’est prolonger le repli sur nous-mêmes de notre petit cercle familial, c’est se refermer encore plus, s’isoler, se couper du monde pour rester dans notre bulle. Mais là tout de suite, c’est aussi m’ôter un poids qui aurait été difficile à gérer en plus de nos propres filles. Car chaque week-end avec les garçons ressemble à une lutte pour faire avancer les choses, pour faire avancer ce week-end, pour bouger les gens, pour les lever, les nourrir, les occuper, et n’avoir aucun temps pour prendre soin de soi-même. Car nos relations malheureusement ressemblent à ça. Depuis plusieurs années, nous avons freiné ça, nous avons volontairement amoindri les occasions de s’en lamenter. Et cette année 2020 ne fait que prolonger cette diminution. Même si, certes, voir du monde fait du bien…
Arrivés pas loin de la maison, des travaux un peu partout, puis devant chez nous, un panneau de travaux et des ouvriers entrain de tondre l’extérieur du jardin, avec le portail grand ouvert. Steven avait malgré son jour de congé un call à l’heure où nous sommes arrivés et le bruit de la tondeuse résonnait partout dans le jardin. J’étais déstabilisée par cette situation hors du commun, pour notre arrivée… rencontrer des gens et devoir leur parler… après 2 mois de distanciation sociale et tout ce que ça implique comme réflexe de préservation et de méfiance. Le cerveau humain est drôlement fait. Le mien en tout cas. Après avoir eu mes parents au téléphone pour confirmer que c’était le jardinier qui devait être là ce jour-là, je suis allée voir les ouvriers qui m’ont effectivement confirmé travailler pour notre jardinier et avoir la télécommande du portail. Après ce mini stress passé, nous nous sommes installés avec des gestes familiers, retrouvés. Les filles ont réinvesti le jardin immédiatement et ont commencé une séance de lecture sur la pelouse avant que leur père leur installe les balançoires.
Steven a ensuite sorti le barbecue pour ne pas perdre les bonnes habitudes et nous préparer des burgers maison “comme avec les garçons”… sur la terrasse car il faisait beau, et chaud.
L’après-midi, nous sommes allés en ville, chercher des sandales pour les filles, chez notre marchand de chaussures habituel. C’était notre première sortie “shopping” post déconfinement, dans un magasin de non “première nécessité” car quand on recommence à marcher dehors, les chaussures sont en fait des produits de première nécessité. D’ailleurs, nous n’y allions pas pour flâner et faire du shopping mais avec un objectif très précis d’une paire de sandales pour chaque fille, ce que nous avons réalisé d’une manière quasi chirurgicale.
Nous avons garé la voiture sur le parking et enfilé nos masques jetables, Steven, Thémis et moi. Seule Kara n’était donc pas “protégée”. Il paraît que les petits de moins de 6 ans seraient sujet à des suffocations et qu’il vaut mieux ne pas les protéger ainsi. Je ne sais vraiment pas quoi en penser.
Nous nous sommes ensuite dirigés vers le magasin de chaussures, croisant des personnes en masque, des personnes sans masque, des gens faisant la queue avec distanciation à l’entrée de la maison de la presse… et nous sommes arrivés au magasin où les 2 entrées étaient ouvertes. Il n’y avait pas grand monde à l’intérieur. Nous sommes entrés et avons fait attention de ne rien toucher. Il n’y avait pas de règlement clair à l’extérieur. Nous avons repéré des sandales pour les filles. Une vendeuse masquée est venue s’occuper de nous. Elle a pris la mesure du pied de Kara qui est passée de 28-29 à plutôt 30. C’est moi qui ai déchaussé Kara et positionné son pied sur le mesureur. Puis elle a fait de même avec Thémis, cette fois en touchant son pied à travers la chaussette, pour le réajuster. Elle est passée e 37-38 à… 40.
Thémis a été envoyée du côté des femmes. Steven l’a accompagnée. Je suis restée avec Kara. Le premier modèle qu’elle avait repéré fut le bon et je n’ai pas insisté pour essayer plusieurs modèles. J’ai mis les chaussures avec lesquelles nous étions venus dans la boîte des nouvelles et elle a gardé ses sandales aux pieds. Nous avons rejoint Steven et Thémis en plein essayage dans une partie du magasin où il y avait plus de monde. Il faisait chaud et le port du masque était vraiment pénible.
Thémis a trouvé des sandales qui lui plaisaient et la vendeuse qui s’occupait d’elle a également pris ses chaussures et les a mises dans la boîte des nouvelles. Nous sommes passés à la caisse où j’ai payé avec ma carte bancaire sans “sans contact” bien évidemment, vu le prix…
L’accueil m’a semblé moins chaleureux et plus méfiant que les années précédentes. Les dames ne savaient pas vraiment quoi dire et il est très difficile de faire passer des émotions sous un masque de part et d’autre.
Steven nous a laissées pour aller faire des courses de complément dans une petite surface et j’ai fait faire un tour de l’église aux filles. Nous sommes passées devant notre coiffeur d’où nous avons vu sortir des gens avec un sac à dos rangé dans une sorte de sac en fin tissu type “charlotte médicale” jetable. Le “jetable” va être une vraie catastrophe écologique pour la planète durant cette crise sanitaire.
Nous avons vu des gargouilles sur la tour de l’église. Thémis les a montrées à Kara.
Puis nous avons rejoint Steven à la voiture et nous sommes rentrés profiter du jardin. J’étais épuisée par cette sortie, cette toute première sortie. Des premières fois, il va y en avoir encore de nombreuses…
En fin d’après-midi, j’ai appelé Emilie et nous avons longuement parlé de la situation et échangé les nouvelles… Yann retourne au collège 2 jours par semaine. Elle ne retournera pas au lycée pour le moment, de toute façon il n’est pas encore réouvert. Les enfants retourneront 2 jours par semaine à l’école mais pas les mêmes jours. Elle se prépare déjà à la rentrée prochaine et à une organisation à la fois en présentiel et en distanciel… et à apprendre à ses élèves à justement travailler à distance. Mais nous ne sommes pas très optimiste sur l’organisation globale.
Le soir, après les douches et les infos que nous avons pris la trop mauvaise habitude de regarder, sur France 3 puis France 2, nous avons dîné puis les filles sont montées lire et nous avons regard le dernier épisode de la Doom Patrol. J’ai vraiment bien aimé cette série très esthétique et je ne connaissais pas du tout les personnages à part ce que j’en avais vu dans Teen Titans.