Samedi 06 juin 2020
Après une nuit entrecoupée d’une heure de pure insomnie, je me réveille et c’est comme si j’avais une immense gueule de bois.
La vie a repris son cours.
Je n’ai pas remis le pied sur le Monde cette semaine ou très vaguement et je découvre qu’ils ont arrêté les Live consacré au Covid. Bien évidemment… ils avaient prévenu. Car les chiffres baissent, la vie reprend et il faut le dire la vie reprend. La crise sanitaire se tasse.
Et elle nous laisse meurtris.
Et elle me laisse meurtrie de cette situation. Oh certes, à l’heure actuelle, nous faisons partie des chanceux qui pour l’instant n’ont pas croisé le covid dans leur entourage, parmi leurs proches, qui ont évité l’hosto et même l’hôtel d’isolement.
Pourtant on l’a senti passer pas loin mais pas si près. Steven a eu un collègue touché.
Il y a eu des cas dans des écoles de la ville. Au début du confinement. Puis à la réouverture des écoles.
Mais globalement, on est là, et pour le moment toujours en bonne santé.
Alors la gueule de bois… c’est découvrir que la vie qui est censée reprendre reprend un peu sans nous, différemment.
Les filles ne retournent pas à l’école.
Thémis parce qu’elle ne veut pas. Elle a peur du virus. Pas pour elle, mais pour ses grands-parents. Elle a peur de l’école “changée” avec tous ces gestes barrières à effectuer en permanence, cette distance à maintenir avec les copains et l’absence de sa propre maîtresse, et de son maître. Rien pour redémarrer en confiance, dans un environnement connu. Pourtant, elle aurait aimé l’avoir sa fin de CM2.
Elle en pleurait hier soir quand on a eu LA discussion. Celle où je lui expliquais qu’il ne restait plus qu’une place dans sa classe, pour être avec sa copine. Qu’après, elle serait dans un autre groupe parce qu’ils n’avaient pas assez d’enseignants pour les reprendre.
Kara, elle, j’ai vraiment envie de la remettre. Pour 2 raisons. La toute première c’est parce que plus le temps passe, plus elle angoisse de retourner à l’école. Elle ne veut pas. Déjà elle n’était pas une grande fan d’y aller alors qu’elle s’y plaît énormément sur place. Mais elle n’avait pas cette “envie” qu’avait Thémis à son âge et qu’elle a longtemps gardé. Elle a besoin de revoir des enfants de son âge.
Ensuite, parce que le temps passant, elle ne considère plus le travail scolaire comme un dû, et elle se permet de me rejeter fortement. Or l’année prochaine, c’est le CP. La transition risque d’être violente.
Le gouvernement a bien fait les choses et ne souhaite pas porter la responsabilité à l’heure actuelle du retour des enfants à l’école, d’où le système de volontariat. Si on remet les enfants et qu’ils chopent le covid et qu’ils contaminent la famille et que ça devient grave, et bien c’est les parents qui seront responsables de les y avoir remis. Comme un enfant qui va à l’école seul et se fait renverser. C’est toujours la responsabilité des parents. Nous sommes des adultes, c’est normal.
Hier, j’ai eu la directrice de l’école primaire au téléphone, et nous avons papoté un peu. Elle me disait qu’ils commençaient à recevoir des messages (contradictoires, ou pas, d’ailleurs, mais bien présents) sur le fait qu’à la rentrée le retour en classe serait de nouveau obligatoire et que par contre la rentrée serait “différente”.
Donc en septembre, on ne tortille plus du cul, on y va. Et je pense que les distanciations vont sauter car je ne vois pas d’alternative à l’école.
Par contre, je lui disais qu’il faudrait aussi que les enseignants reviennent car finalement le problème était surtout là…
Et là, elle m’a sorti un petit skud dont je n’avais en effet pas conscience. Les personnes à risque, aujourd’hui, n’ont besoin que d’un certificat médical pour ne pas venir travailler en présentiel. Mais à priori, en septembre, on se dirigerait vers la nécessité d’en passer par un véritable arrêt de travail afin d’éviter justement que de nombreuses personnes ne reviennent pas sur site. Arrêt de travail signifie baisse de salaire, à priori, côté educ nat (je n’y connais rien). Dans le privé, de toute façon la question sera la même. Que fait-on des gens à risques surtout s’ils ne peuvent pas télétravailler ? En gros, l’idée est de se dire que si on considère que son métier est à risque pour sa santé et bien on en change… vu la situation. Ce qui n’était pas le cas au plus fort de la crise, c’est bien normal.
Donc ça réglerait une bonne partie des soucis… pas tous, certes.
Par exemple aujourd’hui, si les 2 enseignants de CM2 pouvaient revenir en présentiel, tous les CM2 auraient pu revenir au moins 2 jours par semaine. Ce n’est pas le cas… Il n’y a que pour les CE1 que c’est possible.
Pour le travail à distance, en maternelle, où les enseignants sont tous revenus, nous avons droit à une continuité de blog, allégé certes, mais tout à fait acceptable.
En fait tout ça c’est le serpent qui se mord la queue. Le souci est le même avec les animateurs de la ville. Et alors ne parlons pas des grandes idées du ministre de l’éduc nat et ses “sport civisme art et culture chais pas quoi” qui reste de l’utopie totale. Enfin si, là en l’occurrence, la directrice a dû se battre pour que 2 élèves, enfants de soignants soient présents 2 jours par semaine en classe et 2 jours en “sport” avec la ville. Enfants prioritaires, etc.
Mais en septembre ? on fait quoi ?
Je pense qu’on se dirigera vraiment vers “tout revient à la normale” avec le plus de distance possible. Sachant qu’en primaire, la distance n’est pas jouable. Testé et pas approuvé.
Côté boulot… et bien, Steven retravaille sur site une semaine la semaine prochaine. Et moi je passe juin en télétravail. On vient de recevoir les consignes pour retourner au siège et ça ressemble au parcours du combattant. Je ne sais pas comment ils vont s’organiser pour nous faire revenir “dans les normes”, à moins encore une fois de s’asseoir dessus et d’attendre que les normes soient assouplies, si le virus circule moins, et malgré la peur d’un effet rebond qui pour l’instant n’est pas venu. Au pire, les hôpitaux seront prêts et on n’en est plus à essayer que les gens ne chopent pas le virus, mais plus à pouvoir les accueillir correctement et à ce qu’il y ait le moins de morts possibles. Donc reprendre la vie et croiser les doigts. C’est épuisant. Surtout avec un parent à risque.
Car au final… dans la rue, les gens vivent, les gens bougent, les gens se croisent.
Juste, les files se sont allongées partout, à la Poste, chez le Boulanger, pour la moindre bricole.
Le temps est resté en temps hôpital.
Les restos ont rouvert leurs terrasses en Ile de France. Les terrasses bouffent sur les rues. Les cinés rouvriront le 22 juin. Les musées et théâtres ont rouvert. Les centres commerciaux aussi. Encore une fois la vie reprend. Et il va juste falloir s’adapter.
Et nous… et bien on ne voit plus personne. Et pour faire quoi d’ailleurs ? Avec cette petite gène ? ce sentiment de ne pas suivre des conseils ? prendre le risque de fréquenter des asymptomatiques qui déclencheraient une mini bombe familiale ? Avoir toujours ce spectre au-dessus de la tête ? Cette question de a-t-on bien fait ? Le jeu en valait-il la chandelle ? Mais il faut bien vivre ?
Voilà, mon cerveau bouillonne et je ne sais comment le stopper.
L’autre façon de prendre les choses c’est de se dire “wow, je bosse de la maison, je peux être avec les filles, ce que j’ai toujours voulu, je peux faire l’école à la maison – avec le télétravail, ce qui au final n’est pas évident avec la petite et me fait faire des montagnes russes émotionnelles entre des moments de pure grâce où tout va bien et des moments où j’en viens à juste vouloir qu’elle retourne à l’école et à en culpabiliser comme jamais de vouloir l’exposer au virus plutôt que de juste la gérer, quel égoïsme ! – je vois plus Steven que je ne l’ai jamais vu ces dernières années même s’il est beaucoup isolé en call. On n’a plus les trajets, les transports, les problématiques d’emmener un tel ou une telle à une activité – ah oui, je n’arrive pas à m’intimer l’ordre de reprendre le sport… – ma grande est entrain de passer préado sous mon nez et c’est quand même pas simple et comme je rebosse je ne peux plus écouter mes conférences qui me faisaient du bien sur cet aspect. Le boulot en télétravail se passe bien, je me sens plus productive, efficace, ça fonctionne. Et à la fois c’est angoissant d’avoir la pression à la fois de montrer que je peux faire à distance car c’est un enjeu, et de l’autre de répondre à des demandes un peu tartignolles sans budget, sans ligne directrice, mais ça c’était déjà le cas avant, l’incertitude de l’avenir de la boîte, etc.”
Bon, ça ça devait être le paragraphe prenons le positivement et il est au final émaillé des angoisses qui me viennent sur tout ce qui est positif.
Quand à la sociabilisation, je pense que nous touchons le fond d’un repli sur nous-mêmes. Globalement je pense que les choses n’allaient déjà pas fort avant mais alors là… c’est le bouquet. Je n’ai plus l’émulation pour me reconnecter aux autres à part par le fil Whatsapp. J’ai à la fois envie et à la fois une furieuse envie de faire table rase. Vraiment compliqué.
Voilà mon samedi.
Sinon… j’ai commandé un composteur d’appartement chez Nature et Découvertes car ils ne l’avaient pas au magasin de Levallois. J’étais pourtant prête à y aller…
J’ai fait une lessive, passé l’aspirateur, changé les draps des filles.
La maman d’un copain de Thémis veut organiser un pique-nique avec les enfants de CM2 à la mi-juillet pour qu’ils se revoient avant la rentrée au collège. Mais Thémis sera absente de Paris normalement pendant 2 mois.
Cet après-midi, nous avons eu Gaëlle au téléphone. Puis nous avons appelé Jean-Pierre et Marie-Noëlle pour que Kara les remercie pour ses cadeaux d’anniversaire.
Et ce soir, nous avons dîné puis regardé Mon oncle en famille. Ça a bien plu aux filles.